La Critique d’El Hadji Mouhamad Niass al-Khalifa face aux trois grandes Périodes de l’histoire de la Poésie Arabe.

Mame Khalifa Niass

« Au nom d’Allah, le clément, le miséricordieux
Que le salut d’Allah soit sur le prophète Muhammad, sa famille et ses compagnons
Qu’Allah soit satisfait du sceau des élus Seydina Ahmad Tidjani »

La littérature arabe (al adab al arabiyya) a connu au cours de l’histoire trois époques décisives marquées respectivement par sa naissance et son émergence puis par son évolution et enfin par la modernité dans sa poésie. Ces trois plus célèbres époques de la littérature orientale (al-‘ussur) qui feront l’objet de notre réflexion sont : l’époque de l’ignorance (al asru al jahiliyya), l’époque des abassides (al asr’ul abassiyyu) et l’époque de la modernité (al asrul hadith).
En effet l’époque de l’ignorance est considérée par les historiens et chercheurs comme point de départ de cette littérature arabe. Néanmoins, malgré les efforts considérables des chercheurs orientalistes (al mustashriqin), l’on n’a pas réussi à déterminer l’origine de cette poésie encore moins le premier poète jahiliyyite de l’histoire de cette période. Par ailleurs Umrul Qays, éminent poète, l’un des sept auteurs de al muhalaqat as sabh semble affirmer dans ces écrits qu’Ibn Hizam est le Premier Poète arabe qui fit couler des larmes de nostalgie et de passion pour se souvenir des vestiges du passé :

« عوجا علي طلل المخيل لأنني نبكي الديار كما بكى ابن خذام »
Mais appart cette assertion de Qays, on n’a pas trouvé d’autre information concernant le poète Ibn Hizam. A partir de là, l’on peut considérer que la période Jahiliy marque la genèse de la littérature arabe et de la poésie en particulier. Durant cette époque, le poète nomade était perçu comme un Prophète dans la société (Nabiyyu Qabilatihi) du fait de son Imagination (al malakatu shihr) et de sa révélation (al wahy). Auprès de chaque poète disait-on, demeure un esprit révélateur (sheytane), toutefois le poète pendant la période de l’ignorance chantait le plus souvent ses passions et les souvenirs de sa bien-aimé (layla, salma, suhda etc.), les vestiges du passé, la bravoure ainsi de suite dans un style élégant avec des figures de styles agréables au moment où la science de la versification (ilmu’l ‘arud) et les mesures (al awzan) n’avaient pas encore vu le jour. Parmi les plus célèbres auteurs de l’époque Umrul Qays, Nabigha Zubyani, Zuhayr ibn abi Salma et Aghsha.
Animé par un Amour extrêmement pur et sincère pour le Prophète Mouhamad ibn Abdallah (paix et salut sur lui), le Grand Maitre Soufi, Sultan de la Poésie Arabe, abu Omar Khalifa El Hadj Mouhamad NIASS (R.A) al Kawlakhiy at-Tidjani apporte une critique littéraire incomparable à l’encontre de cette poésie tant exalté auparavant. Malgré son appartenance au continent noir, le poète Sénégalais d’expression arabe devança les critiques arabes (an-nuqad) de toutes les générations sans exceptions. Mame Khalifa remet en question le véritable but de la poésie arabe, il rejette d’abord tout exaltation du moi ; le moi qu’il considère comme terme : haïssable ainsi que le culte de la bravoure (al-battalat) qui sont selon lui, deux caractères issu de l’aveuglement (al ahma) et l’obscurantisme (al jahl). Or le poète doit être guide sur la voie droite, un guérisseur contre les maux des cœurs (al amrad-al-qulub). Ainsi, il propose comme remède contre l’égarement, un Amour fidèle et sincère pour la Lumière du bien-guidée Mouhamad (psl). Toute âme éprise du Prophète bénéficie indéniablement de la garantie du Bonheur ici-bas et dans l’au-delà :

« اذ كل قلب احب المصطفى حرمت نار الجحيم عليه فهو في حرم »

Khalifa el Hadj Mouhamad conclut en incitant aux Poètes à abandonner les rappels aux souvenirs au passé pour s’adonner à l’éloge et l’hagiographie du Prophète. Voici ce qu’il dit à ce propos : « abandonne le rappel, les imaginations et les souvenirs des vestiges du passé ainsi que la passion pour les signes et les traces qui immortalisent ton passé ! »

« دع عنك ذكر الهوى واللهو والغزل وما لقلب من رسم ومن طلل »
Le poète Mouhamad Niass invite donc à une poésie essentiellement consacré à l’éloge du Prophète et à l’expression d’une grande passion à son encontre.

Subséquemment l’époque abbasside (asrul abbassiyyu) qui était caractérisé par une poésie de plus en plus structuré avec l’apparition de la versification (ilmu’l ‘arud), elle consiste en une quinzaine de mesures (buhur) parmi lesquels le poète doit en choisir un pour rédiger son poème. Cette période marque le début de la modernité dans la poésie. En effet on assistait à l’affrontement des deux écoles, l’une prônant les méthodes de la poésie ancienne et l’autre partisane de la modernité. Nous pouvons citer en guise d’exemple le poète Marwan ibn abi Hafssata comme adepte de la poésie ancienne et Bachar ibn Bourdine passionné par la nouveauté dans l’écriture. Ainsi les connaissances se multiplient grâce à l’ouverture et l’orientation de cette poésie vers d’autres horizons. Par conséquent la plupart de leurs poèmes vantaient la descendance des rois, leur noblesse, leur bravoure et leur générosité. Mais la sagesse était également au rendez-vous, manifestement les adages et les proverbes donnaient au poète un statut de sage, éducateur aux seins des tribus. Abu Tayib al Mutanabi en chantant la gloire de son roi Seyfu Dawla enseigne en même temps des leçons de sagesse quant-il dit : « c’est par la hauteur des ambitions, que les plus grands succès se réalisent. » ; « C’est à partir des bonnes qualités que l’on reçoit les plus immenses honneurs ainsi les plus grandes merveilles paraissent minuscules à nos yeux et les plus petites choses semblent capitales. »
« على قدر اهل العزم تأتي العظائم وتأتي على قدر الكرام المكارم
وتعظم في عين الصغير صغارها وتصغر في عين العظيم العظائم
يكلف سيف الدولة الجيش همه وقد عجزت عنه الجيوش الخضارم
ويطلب عند الناس ما عند نفسه وذالك ما لا تدعيه الضراغم »

La littérature abbasside comme nous venons de le souligner avait une fonction didactique, la sagesse était au diapason. Des milliers de proverbes, des leçons de morales et de sagesses proviennent des auteurs de cette époque. Malgré tous les avantages que nous venons de mentionner l’objectif de la poésie reste insatisfaisant selon l’avis du poète Mouhamad Niass al khalifa, car soutient-il le modèle typique à suivre pour connaitre la sagesse au vrai sens du terme se trouve dans les enseignements du Prophète (psl), il en est la seul source. Et pour bâtir une société encrée dans les bonnes valeurs telles que la justice, la tolérance, l’honnêteté, la paix et le bon voisinage, il faut impérativement prendre comme idole la société Islamique de Médine sous Mouhamad (psl) à partir de l’an 1 de l’hégire.
Ainsi, il dédie quelques-uns de ses poèmes à la cité de la lumière (al madina al munawara).
Dans son fameux recueil Khatimat al-durar ‘ala uqud al-jawhar fi madh seydil bashar :
« La dernière perle du collier précieux en éloge au maitre des humains » (5095 vers), 
il dixit en ces termes :

« طيبة طابت ارضها والسماء اذ اتتها من ربنا النعماء
قد حباها بالمصطفى من حباها نعم الدار ذي ونعم الحباء
دار نور ودار علم وتقوى ذات فضل واهلها فضلاء 
 »
Pour proscrire un retour aux bonnes valeurs, Mouhamad Niass rédigea un poème entièrement consacré au sujet, dans ce poème, il dit : « auprès du seigneur Allah, nous cherchons remède contre les méfaits d’une société corrompue, rejetant les enseignements de l’Islam et de la Sounna (tradition prophétique). Quel horrible Crime ! »
« الى الله نشكوا ذا الزمان و اهله لميلهم عن ما اتي في الشريعة
وما استقبحوا مما اتى في كتابه وفعل رسول الله يا الجريمة
 »
Mame Khalifa estime dans sa critique que le poète doit être le miroir de la société dans laquelle il évolue et à travers lui doit se refléter les qualités morales et religieuses incarné par le Prophète (psl) afin de pouvoir prodiguer son éducation spirituelle (tarbiyya). Raison pour laquelle il a intitulé le plus volumineux ouvrage qu’il a consacré à l’hagiographie de l’apôtre de l’Islam, Miroir de la Pureté : « Mir’atu Safa’ ».

Enfin l’ère de la modernité (asrul hadith). C’est la période qui débute juste après la première guerre mondiale, jusqu’à nos jours. Elle coïncide avec l’avènement des sciences nouvelles et la présence des érudits arabes diplômés des universités européennes et d’un peu partout à travers le monde ; l’heure était venue de forger une nouvelle vision de la littérature incarnée par une génération d’intellectuels qui prône l’universalité du savoir et dans la culture. Au menu, la prose régnait sur les poèmes en vers et les thèmes dominants étaient ceux d’actualité nationale ou internationale. Par ailleurs, des écrivains comme Taha Hussayn qui a fini ses études à l’université de Sorbonne et Ibrahim al Mazini se montrent engagées dans la vie politique, économique et sociale en publiant des œuvres satirique. Par contre Ahmad Shawqi et tant d’autres poètes musulmans de l’époque malgré leur esprit d’ouverture et leur croyance en une civilisation de l’universelle gardait toutefois cette tradition de poètes faisant les panégyriques du Prophète (psl). Shawqi est aussi l’auteur de quelques œuvres théâtrales comme Majnun’Layla (le fou de Layla) dans un moment où le genre théâtral était en pleine expansion.
Toujours dans sa critique, le poète al-Khalifa soutien que la vie du Prophète est l’analogue de la plus parfaite œuvre théâtrale car elle regroupe en son sein et à la fois de la comédie, de la tragédie, la tragi-comédie et des enseignements de toutes sortes. En outre, il considère que le récit de la vie du Prophète (psl) ne peut être chose dépassé à l’époque où nous vivons car il nous permet non seulement de connaitre le passé mais de faire face aux crises et conflits actuels, mais mieux encore de nous projeter sur l’avenir. Alors rien n’est plus intéressant que l’étude de la vie d’Abu Qassim, nul science ne peut égaler celle provenant du Prophète car il est le temple du savoir rationnel et ésotérique (ilm al haqiqati).

أنــت للــكون بــهجة وبهـــاء وتجلّت بنورك الظلمــاء « 
 » أنت لولاك لم يكـــن كــل كــون ولماّ زال عن ذويه الشـقـاء

Sous l’ombre de sa tente , muni d’outils dérisoires, dans un moment ou les plus importants ouvrages en langue arabe étaient difficiles d’accès et sans l’existence des( NTIC) Nouvelles technologies de l’Information et de la Communication, le poète Mouhamad Niass consacra des recueils poétiques d’une beauté rare et d’un style exceptionnellement élevé au prophète Mouhamad (psl) , d’autres au grand Pole Abul Abass Ahmad at Tidjani (r.a) . Il est l’auteur de plusieurs ouvrages qui ont longtemps fasciné les plus grands universitaires et chercheurs du monde entier. Ce qui lui a valu de nombreuses distinctions dont la plus récente remonte à l’an 2005. Il s’agit du grand prix décerné au meilleur poète du siècle chantant les louanges du Prophète (psl) en langue arabe organisé au Maroc dans le royaume chérifien sous l’égide de sa Majesté le roi Mohamed VI. Quel bel honneur pour un pays comme le SENEGAL ! Terre qui abrite l’ile de Gorée, Pays témoin, victime de l’esclavage et du colonialisme occidental. Ce Sénégal lointain, se retrouve honoré devant des pays réputés pour leur savoir et leur savoir-faire. Des pays comme l’Egypte berceau de la première civilisation de l’humanité, le Maroc, l’Algérie, la Libye et tant d’autres pays pour ne pas dire tous les pays du Maghreb. Ce couronnement de la part des arabes pour un Noir méconnu de son propre pays natal mérite l’attention de plus d’un. Une telle bibliothèque, un tel trésor, un tel temple du savoir et de la connaissance doit être professé dans les universités du pays et partout dans le monde. C’est une grande perte pour un pays comme le nôtre que de laisser en rade ces précieux ouvrages qui pourraient répondre aux attentes des étudiants et chercheurs qui seront sans doute séduits et émerveillés par une beauté d’écriture et de telles hautes pensées qui survivrons et éclairerons de génération en génération.
Aujourd’hui encore plus qu’hier, à la 136e anniversaire de sa naissance (2e Ramadan 1298H/2e Ramadan 1434H), nous nous joignons à toute la communauté Niassène par elle toute la Ummah Islamique pour rendre un vibrant hommage à la Plume d’or , le Sultan de la Poésie Arabe , le meilleur écrivain de tous les temps, l’auteur du sabre tranchant contre Ibn Mayaba, pour son mérite, son érudition, et son combat pour la Valorisation du statut et de la personnalité de l’homme noir à toute les échelles de la Civilisation de l’Universelle.

Seigneur accorde la bénédiction et la paix (au prophète) tant que la lumière dissipera les ténèbres.
Seigneur accorde la bénédiction et la paix (au prophète) tant que se fera entendre
Le roucoulement d’une colombe !

Dakar, 2 Ramadan 1434/11 Juillet 2013

Babacar TOURE(NayloulMaram)
Département de Littératures Arabes
Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Coordonateur du Cercle d’études autour de la Vie et l’œuvre
De Khalifa Mouhamad Niass (C.E.V.O.K) 

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